sexta-feira, 26 de abril de 2013

Jornal do Vaticano
Futura Cúria, velho projecto


(Texto em francês e inglês)

Journal du Vatican / Future curie, vieux projet


Sandro Magister

Le document date de 1931. Il a eu pour auteur un cardinal néerlandais. Les réformes que l'on attend y figuraient déjà toutes. Et même les critiques étaient semblables à celles d'aujourd'hui, sinon plus dures

CITÉ DU VATICAN, le 25 avril 2013 – Une curie qui serait «plus représentative et plus collégiale». Une curie qui comporterait «davantage de dialogue dans les deux sens, dans le cadre d’une organisation moderne et efficace». Une curie qui réaliserait une pleine «revalorisation du ministère épiscopal». Une curie où il y aurait «surtout, moins d’Italiens».

Il semblerait que les points qui précèdent constituent le programme de cette réforme de la curie du Vatican que le pape François a mise en chantier – notamment en constituant un groupe de huit cardinaux chargés de le conseiller – afin d’appliquer les indications formulées, lors des congrégations générales qui ont précédé le conclave, par les cardinaux qui l’ont élu.

En réalité, ce programme n’est pas la réponse aux dysfonctionnements qui ont été mis en évidence à la curie, de manière dramatique, au cours du pontificat de Benoît XVI.

C’est un programme plus ancien. Beaucoup plus ancien. Il est carrément antérieur de trente ans au concile Vatican II.

Pour mieux se rendre compte que les problèmes de la curie romaine et les critiques qu’elle suscite ne sont pas apparus sous le pontificat du pape Joseph Ratzinger, il suffit de feuilleter un ouvrage qui a été publié récemment : des Mélanges offerts à l’historien jésuite Marcel Chappin pour son 70° anniversaire et publiés sous la direction des professeurs Paul van Geest, un Néerlandais, et Roberto Regoli, un Italien.

En effet l’ouvrage en question, édité par les Archives Secrètes du Vatican dont Chappin a été vice-préfet au cours de ces dernières années, contient une contribution curieuse et intéressante due à Hans de Valk. Elle analyse un document anonyme rédigé en 1931 et ayant pour titre «De quibusdam rebus in ecclesiastico regimine emendandis»: «Quelques points qu’il faudrait améliorer dans le gouvernement de l’Église».

Il s’agit d’un texte d’une vingtaine de pages qui a été retrouvé par les universitaires dans certaines archives ecclésiastiques (y compris les Archives Secrètes du Vatican) sous la forme d’une version en latin et d’une autre en allemand. Il porte la signature de «Paulus Bernardus a S. Catharina», un pseudonyme derrière lequel se cacherait – toutefois les preuves à ce sujet ne sont pas définitives – le Néerlandais Willem Marinus van Rossum (1854-1932, photo), rédemptoriste, qui fut créé cardinal par Pie X en 1911 et fut préfet de «Propaganda Fide» sous les pontificats de Benoît XV et de Pie XI.

«Les propositions de réforme de la curie – écrit de Valk dans son essai – sont aussi vieilles que les sept collines» de Rome. Et en effet, avant d’analyser le document de 1931, il rappelle que, déjà au début du XXe siècle, il y avait eu une floraison de programmes de réforme de la curie. Et il souligne que ceux-ci provenaient de milieux aussi bien progressistes que traditionalistes.

Le portrait de la hiérarchie ecclésiastique que fait apparaître le document de 1931 est impitoyable. Voici comment de Valk en fait la synthèse:

«Dans la majorité des cas, les évêques, au lieu d’être ces caractères forts dont on a besoin aujourd’hui, au lieu d’être des personnalités dynamiques et actives, sont effectivement médiocres, tout en étant en même temps des hommes pieux et religieux, et même moins que médiocres pour certains d’entre eux. Il y en a qui sont apathiques, timides, indolents ou vaniteux ; d’autres sont conformistes, bureaucrates ou introvertis; beaucoup d’entre eux sont des administrateurs maladroits et ignorants. […] Parfois, c’est la totalité de l’épiscopat d’un pays qui ressemble à une collection d’estropiés».

Dans une note, De Valk reproduit le texte original en latin, qui est encore plus coloré:

«Aliquando autem totus episcopatus alicuius nationis ita est compositus, veluti si coecorum, claudorum et infirmorum omne genus esset refugium».

Et il ajoute que «le problème est aggravé par la tendance du Saint-Siège à nommer des prélats qui ne sont qu’obéissants et conciliants».

Le portrait que le document fait du collège cardinalice est tout aussi impitoyable. Voici ce qu’écrit de Valk:

«En ce qui concerne les cardinaux, qui constituent le sénat de l’Église et sont les électeurs du pape, la situation est encore pire, particulièrement dans le cas de ceux qui travaillent à la curie romaine. Le sacré collège contient trop de prélats insignifiants qui sont parvenus à ce rang parce que jamais ils n’ont posé de questions embarrassantes. Le mérite de beaucoup d’éminences n’est pas de posséder une expérience pastorale ou une culture remarquables, mais d’avoir travaillé pendant très longtemps dans un service du Vatican. Sans aucune connaissance réelle du monde ou de la vie de l’Église universelle, ils sont de toute façon promus automatiquement et placés à des postes de commandement bien supérieurs à leurs modestes talents».

Le nombre excessif d’Italiens présents à la curie fait l’objet d’une critique particulièrement féroce. Voici ce que note de Valk:

«Près de la moitié des cardinaux et la grande majorité des membres de la curie sont des Italiens, comme si le Saint-Esprit avait une nette préférence pour la nation italienne («veluti si solos Italos Spiritus Sanctus dignos invenerit ut eos tamquam S. Pontificis et proximos consultores et electores illustraret»). Cela ne fa it qu’aggraver le problème, parce que même si les Italiens peuvent avoir beaucoup de talents, ils ne sont certainement pas réputés pour leurs compétences en matière d’organisation. Ce fait est, pour l’Église universelle, à la fois une insulte et une injustice. Les quelques excellents prélats étrangers présents à la curie sont l’exemple de ce que pourrait être une alternative».

Le document de 1931 n’épargne pas même les souverains pontifes, puisqu’il affirme que «depuis le XIXe siècle le trône pontifical a été orné d’une série de papes médiocres, à la possible exception de Léon XIII».

Mais, face à ce tableau, quelles sont les propositions de réformes définies par «Paulus Bernardus» ou plutôt (peut-être) par le cardinal van Rossum?

Voici ce qu’en dit de Valk, à propos des évêques:

«Il est nécessaire d’apporter des changements radicaux au système de recrutement ou d’élection [des évêques et des cardinaux]. La nomination des évêques ne devrait pas être confiée exclusivement au Saint-Siège, où les candidats sont généralement peu connus, alors que les informations recueillies sont souvent tendancieuses ou peu dignes de foi».

Et à propos des cardinaux:

«Afin de souligner le caractère universel de l’Église, il faudrait que le sacré collège soit rendu plus international et que le nombre d’Italiens y soit réduit de manière drastique. Le caractère international de la curie romaine devrait être développé, il faut supprimer ce que l’on appelle les fonctions cardinalices. Seuls les véritables princes de l’Église, connus pour leurs éminentes qualités, devraient être élevés à la pourpre; c’est-à-dire des hommes cultivés, pieux et pleins de zèle, qui connaissent le monde, des experts, bien informés et donc capables d’agir comme de vrais conseillers du pape».

En ce qui concerne le gouvernement de l’Église universelle, le rédacteur anonyme du document se plaint de ce que «le pape, le secrétaire d’état ou son substitut décident en dernier ressort de tout, ce qui fait qu’ils sont confrontés à une quantité de travail qu’il est humainement impossible d’accomplir. Si l’on ajoute à ce fait l’augmentation constante du nombre de questions à traiter et la propension excessive au secret, cela ne peut conduire qu’à du retard dans la gestion des affaires, y compris les plus urgentes».

Parmi les remèdes, le document de 1931 exprime le souhait qu’«une place plus grande soit faite à l’ancien système du gouvernement collégial».

D’autre part, la curie devrait être enrichie d’«experts sélectionnés au niveau international, de manière à pouvoir agir ou réagir avec rapidité; de nouveaux canaux de communication seraient ouverts, pour éviter que ne parviennent au Saint-Siège que des informations partielles et tendancieuses. Si l’on procède ainsi, l’évolution des affaires de l’Église universelle peut être pilotée de plus près et il pourra être plus facile de communiquer avec les évêques, en les guidant et en les mettant en garde si nécessaire».

Il s’agit là de propositions de réforme qui remontent désormais à plus de quatre-vingt ans. Le concile Vatican II a fait siennes quelques unes d’entre elles.

De son côté, de Valk écrit que, par leurs restructurations de la curie romaine, Paul VI en 1967 et Jean-Paul II en 1988 «ont accompli beaucoup de ces réformes» souhaitées dans le document de 1931.

Beaucoup mais pas toutes. Est-ce le pape François qui va réaliser celles qui manquent?

Le livre:

«Suavis laborum memoria. Chiesa, Papato e Curia Romana tra storia e teologia. Scritti in onore di Marcel Chappin SJ per il suo 70° compleanno», sous la direction de Paul van Geest – Roberto Regoli, Archives Secrètes du Vatican, Cité du Vatican, 2013, 618 pp., 35,00 euros.

Aux pages 183-205 de l’ouvrage se trouve l’essai de Hans de Valk dans la langue d’entrée, sous le titre : «'Some matters that should be improved in the government of the Church'. A remarkable Proposal for the Reform of the Roman Curia, 1931».


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Vatican Diary / Future curia, old project

The document is from 1931. Its author may have been a Dutch cardinal. The reforms that are awaited were already all there. And the criticisms were also the same as today, if not tougher

Sandro Magister

VATICAN CITY, April 25, 2013 – A curia with «more representation and a more collegial government.» A curia with «dialogue and bi-directional communications in a modern and efficient organization.» A curia with a full «re-evaluation of the episcopal office». A curia with «above all: fewer Italians.»

These would seem to be the lines of action of that reform of the curia which Pope Francis has set in motion – including through the constitution of a group of eight cardinal advisors – to apply the indications of the cardinals who elected him, formulated in the general congregations that preceded the conclave.

In reality, this program is not a response to the curial dysfunction that manifested itself in a dramatic way during the pontificate of Benedict XVI.

It is an older program. Much older. From thirty years before even Vatican Council II.

To understand better how the problems and criticisms of the Roman curia did not emerge with pope Joseph Ratzinger, it is enough to leaf through a recently published book, a miscellany in honor of the Jesuit historian Marcel Chappin for his 70th birthday, edited by the professors Paul van Geest, Dutch, and Roberto Regoli, Italian.

The work in question, in fact, published by the Vatican Secret Archive of which Chappin was vice-prefect in recent years, hosts a curious and interesting contribution from Hans de Valk that analyzes an anonymous document compiled in 1931 and entitled «De quibusdam rebus in ecclesiastico regimine emendandis»: «Some matters that should be improved in the government of the Church.»

It is a text of around twenty pages that scholars found in certain ecclesiastical archives (including the Vatican Secret Archive) in Latin and German versions, bearing the signature of «Paulus Bernardus a S. Catharina,» a pseudonym believed to conceal – although the proofs are not definitive – the Dutch Willem Marinus van Rossum (1854-1932, in the photo), a Redemptorist, made a cardinal by Pius X in 1911 and prefect of «Propaganda Fide» with Benedict XV and Pius XI.

«Proposals for a reform of the curia, however» – de Valk writes in his essay – «are as old as the seven hills» of Rome. And in effect, before analyzing the document from 1931, he recalls how already at the beginning of the twentieth century there had blossomed programs for the reform of the curia. And he emphasizes how they came from both progressive and traditional circles.

The depiction of the ecclesiastical hierarchy that emerges from the document of 1931 is merciless. Here is how de Valk summarizes it:

«Most of the bishops, instead of being the strong characters presently needed, dynamic and active personalities, even if indeed pious and religious men are in effect at the same time mediocre, or even below mediocrity. Some are apathetic, timid, indolent or vain; others are conformists, bureaucrats or introverts; many are ignorant and clumsy administrators. […]. Sometimes the whole episcopate of a country looks like a bunch of cripples».

De Valk reproduces in a footnote the original Latin, which is even more colorful:

«Aliquando autem totus episcopatus alicuius nationis ita est compositus, veluti si coecorum, claudorum et infirmorum omne genus esset refugium.»

And he adds that «the problem is aggravated by the Holy See’s tendency to appoint only obedient and complacent prelates.»

Just as merciless is the depiction that the document makes of the college of cardinals. De Valk reports:

«As for the cardinals, the senate of the Church and the electors of the pope, here the situation is even worse, particularly in the case of those attached to the Roman curia. The sacred college contains too many non-entities who have reached their rank by never asking awkward questions. The merit of many eminences is not their excellent pastoral experience or learning, but that of having staffed a Vatican desk for a very long time. Without any real knowledge of the world or the life of the universal Church, they are nevertheless automatically promoted and placed in executive jobs far above their modest talents.»

Particularly ferocious is the criticism of the excessive Italian composition of the curia. De Valk reports:

«Almost half of the cardinals and the great majority of the curial ones are Italians, as if the Holy Ghost had a distinct preference for the Italian nation («veluti si solos Italos Spiritus Sanctus dignos invenerit ut eos tamquam S. Pontificis et proximos consultores et electores illustraret»). This only aggravates the matter, for even if Italians may have many talents, they are certainly not noted for their organizational skills. For the universal Church, this is at the same time both an insult and an injustice. The few excellent foreign prelates present in the curia are examples of what the alternative might look like.»

The document of 1931 does not spare even the pontiffs, seeing that «since the nineteenth century the papal throne has been graced by a series of mediocre popes with the possible exception of Leo XIII.»

But in the face of this picture, what are the proposals for reform delineated by «Paulus Bernardus,» that is (perhaps) Cardinal van Rossum?

Here is how de Valk presents them, for the bishops:

«Radical changes are needed in the system of recruitment or election [of the bishops and cardinals]. The appointment of bishops should not be left exclusively to the Holy See, where generally the candidates are little known, while the information provided is often biased or unreliable.»

And for the cardinals:

«To emphasize the universal character of the Church, the sacred college should be internationalized by spreading its membership more evenly, while the number of Italian cardinals needs to be reduced drastically. The international character of the Roman curia as a whole should be promoted. Next, the so-called 'loca cardinalitia' must be abolished. Only real princes of the Church, known for their outstanding qualities, should be raised to the scarlet: that is, learned, pious and zealous men, who know the world, are experienced, well-informed and therefore able to act as real counsel to the pope.»

As for the governance of the universal Church, the anonymous drafter of the document complains that «the pope, the secretary of state or his substitute decide everything, thus providing them with a workload humanly impossible to finish. Combined with the ever-growing amount of business and the exaggerated propensity for secrecy, this can only result in delaying even the most urgent affairs.»

Among the remedies, the document of 1931 expresses the hope that «more space, therefore, should be given to the time-honoured system of the collegial govermnent.»

Moreover, the curial staff «should be increased by adding internationally selected experts, so that they can act and react quickly; new channels of communication will be opened up as well, to prevent that only one-sided and biased information reaches the Holy See. In this way, the state of affairs in the universal Church can be monitored more closely and it will be easier to communicate with the bishops, leading and admonishing them if necessary.»

This is a matter of proposals for reform that now date back to more than eighty years ago. Vatican Council II made some of them its own.

For his part, de Valk writes that Paul VI in 1967 and John Paul II in 1988 with their restructurings of the Roman curia «have indeed carried out several of these reforms» called for in the document of 1931.

Many, but not all. Will it be Pope Francis who realizes those which are lacking?

The book:

«Suavis laborum memoria. Church, Papacy, Roman Curia between History and Theology. Essays in honor of Marcel Chappin SJ on His 70° Birthday», edited by Paul van Geest – Roberto Regoli, Archivio Segreto Vaticano, Città del Vaticano, 2013, pp, 618, euro 35.00.

Pages 183-205 of the book with the essay by Hans de Valk are entitled: «'Some matters that should be improved in the government of the Church.' A remarkable proposal for the reform of the Roman curia, 1931.»





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